Je dénonce - Partie 2.

Ma vie de maman

JE VIENS TOUT JUSTE D’AVOIR 15 ANS, C’EST MON PREMIER RENDEZ-VOUS AVEC UN GARÇON.
 
C’est le début du printemps, je viens de m’acheter un nouvel ensemble, je me sens jolie, ça fait du bien. 
Mon frère me dit que j’ai tapé dans l’œil d’un garçon, mais ajoute qu’il n’a pas l’air très fréquentable. Il ne fait que me transmettre le message, insinuant que je suis suffisamment grande pour faire mes propres choix. 
Le garçon a 17 ans. Il est plutôt mignon, et il me lance des regards au loin. 
Je suis gênée, mais également flattée. J’ai 15 ans, mais c’est tout nouveau pour moi. Je n’ai jamais fréquenté qui que ce soit. 
Mon instinct me dit qu’il n’est pas pour moi. Mais je veux quand même accepter ce premier rendez-vous. Juste pour savoir. Pour enfin découvrir ce dont mes copines parlent tant. 
 
Quelques jours plus tard, je suis dans le train en direction de Paris. Je vais le voir pour la première fois. 
J’ai un trac fou. Je m’imagine assise à la terrasse d’un café avec lui, lui racontant le lycée, les vacances, les copines. Et lui aussi. Je me tiendrai bien droite et sourirai beaucoup pour détendre l’atmosphère. Lui aura les yeux plongés dans les miens, et écoutera mes paroles avec beaucoup d’attention. Peut-être… 
Je me dis aussi que j’espère qu’il n’essaiera pas de me prendre la main, c’est trop tôt. Tenir la main est une marque de confiance mutuelle et je veux attendre quelques rendez-vous avant le premier contact physique. 
Je descends du train, et me dirige vers lui. Je me sens bête, il va forcément se rendre contre qu’il est  »mon premier ». Je me sens gauche, pas naturelle, je n’ai rien à lui dire. 
De toutes les manières, il ne tente même pas de faire la conversation. Il me prend la main et m’entraîne vers une sortie, sur le toit de la gare. 
Je suis mal à l’aise, pourquoi me prend-il la main ? On ne se connaît même pas. Je la retire, avec un sourire timide, mais je le suis quand même. 
 
On monte un long escalator et je me retrouve dans une grande gare de chemin de fer déserte, avec des tas de trains à l’arrêt. Je ne comprends pas ce qu’on fait ici. Étrange endroit pour un premier rendez-vous. 
Il n’y a même pas de bancs pour s’asseoir et discuter. Seulement des rails à perte de vue, et de vieux trains. 
On est bien loin de la jolie terrasse à café romantique que je m’étais représentée. Je me demande comment il a bien pu découvrir pareil endroit. Et si je suis la première qu’il emmène ici… 
On discute maladroitement quelques minutes, il est tout près de moi. Trop proche. Je suis mal à l’aise.


 
Puis soudain, il me demande s’il peut m’embrasser. 
Je n’ai pas le temps de dire non que déjà sa langue est dans ma bouche. 
Je suis choquée. Mon corps se glace. Je n’ose pas le repousser. J’attends qu’il s’arrête, les bras bancals. Ça me dégoûte.   
 
Au bout de quelques minutes qui me paraissent une éternité, il recule et me dit d’un air ironique  » tu sais un baiser ça se fait à 2… ». Je bafouille un  » euh… Je ne m’y attendais pas… ». 
Je reprends mes esprits, et me demande si je ne devrais pas partir et le laisser planté là. Je ne le sens pas ce rendez-vous… Il y a comme un malaise.  
Depuis le début, il y a quelque chose de glauque chez ce garçon, dans cet endroit. 
Mais je me dis que ça doit certainement être normal. Que toutes les rencontres  se passent comme ça, que je n’ai pas le choix et que c’est certainement moi qui me prends trop la tête. Et puis il a certainement dû comprendre maintenant, que ça va beaucoup trop vite pour moi.  
Je profite qu’il ne soit plus collé à moi pour lui dire que je n’ai jamais touché de garçon de ma vie. Un air fier se dessine sur son visage. Je me demande s’il me voit comme une conquête de plus. 
 
Et puis alors que je pensais que le message était passé, il me demande s’il peut aller plus loin. 
Ma gorge se serre, je lui dis que non, je ne veux pas. 
Non mais oh ! Croit-il réellement que je suis ce genre de fille ?? 
 
Puis c’est le trou noir. Un moment d’absence. Mon esprit ne sait pas comment gérer ce qui m’arrive; et il préfère donc s’égarer, fuir cette réalité à laquelle mon âge n’est pas prêt à être confronté.  
Je ne me souviens plus comment c’est arrivé.  
Mais lorsque je reviens à moi-même, ses mains sont sur moi. Là  elles ne devraient pas.  
Je ne comprends pas. Je lui ai pourtant dit non ! 
Je ne veux pas qu’il continue, il faut que je m’enfuie! 
Mais mon sang est glacé, le son de ma voix reste coincé dans ma gorge et mes jambes ne veulent pas bouger. Je suis comme une marionnette désarticulée qui n’a plus le contrôle de son corps. 
Je me crispe, j’essaie de le repousser, mais il revient à chaque fois à la charge, faisant mine de ne pas voir mon visage atterré.  
 
Je me demande si ce qui m’arrive est normal ou pas.  
C’est donc ça  »sortir avec un garçon » ? Se faire embrasser et tripoter contre sa volonté ?
Je n’ose pas m’enfuir, si ce qu’il se passe en ce moment est normal, je vais passer pour une folle à m’échapper comme une pauvre prude.  
Je ne trouve pas force de me dégager, je me sens sale et humiliée.  
Je finis par m’énerver et lui dire stop, que je n’aime vraiment pas ça.  
J’ai la nausée, je veux rentrer chez moi. 
 
On redescend dans le métro.  
Sur le quai, il me demande s’il peut à nouveau m’embrasser pour me dire au revoir.  
Je lui réponds que non, je suis pudique et je ne conçois pas d’embrasser quelqu’un en public.  
Il insiste encore et encore. Une dame nous regarde en souriant tendrement. Je ne sais plus quoi faire, comme prise au piège entre son insistance et le consentement involontaire de cette dame.  
Il perçoit ma déstabilisation et m’embrasse à nouveau. Sans mon autorisation.   
Je suis morte de honte, je voudrais me cacher sous terre. Et puis je voudrais dire à la dame que ce baiser n’a rien de tendre, mais qu’il m’est imposé. Et que son regard amusé m’a empêché de refuser ce que je ne voulais pas accepter. Que j’aurais préféré qu’elle demande au garçon d’arrêter de m’intimider. Que me sentant soutenue, j’aurai peut-être osé le remettre en place.  
  
Mon train arrive, je monte dedans et le vois s’éloigner. Lui, et son air fier.  
Moi, je suis assise sur mon siège. Seule, enfin seule. J’ai des palpitations, le cœur qui bat à la chamade et les idées embrouillées. J’ai l’impression que tout le monde devine sur mon visage ce qui vient de se passer.   
Je sens qu’il a abusé de moi. De mon innocence, de ma naiveté. Mais je n’arrive pas à mettre de mots ce qui m’est arrivé.

On ne m’a jamais parlé des relations hommes/femmes, chez nous ça ne se fait pas. Et je ne connais donc pas les codes. 
Aujourd’hui, j’ai 15 ans. Et je me dis que sortir avec un garçon c’est effrayant. Et potentiellement dangereux. 


 

J‘apprendrai à mon fils.

J’apprendrai à mon fils à lire entre les lignes. Á observer le langage corporel des filles, à comprendre si elles ont envie d’aller plus loin, ou bien si elles n’osent pas dire non. Pire : si elles craignent de s’opposer.
J’apprendrai à mon fils que le  »non » d’une jeune fille n’est en aucun cas une invitation simulée à insister.
J’apprendrai à mon fils que les femmes sont bien plus qu’un corps à explorer. Qu’un plaisir à assouvir. Qu’un morceau de viande à posséder.

Qu’une rencontre amoureuse se déroule en 3 étapes :
Que la première est la rencontre des esprits, des âmes. On se découvre et on apprend à se connaître.
Qu’ensuite viennent les sentiments amoureux, le manque, et le besoin de la proximité de l’autre.
Et que seulement après, peut être envisagé l’intimité.
Que brûler les étapes ou les intervertir fausse la relation, la travestie. Que ça ne respecte pas le scénario naturel d’une relation saine.

Je lui apprendrai la galanterie et la délicatesse.
Je lui apprendrai tout simplement le respect des femmes.

J‘apprendrai à ma fille.

J’apprendrai à ma fille à ne pas accepter de fréquenter un garçon pour  »être dans le coup ». Qu’un rendez-vous ça se mérite.
Je lui apprendrai à se renseigner sur la personne en question avant d’envisager un rendez-vous. Parce qu’une mauvaise rencontre laisse une trace à vie…
Á ne jamais faire des choses pour lesquelles elle n’est pas prête, ou qu’elle ne désire pas.
Que son corps lui appartient, et qu’elle se doit de le respecter en ne l’offrant pas à n’importe qui.
Que si le jeune homme ne se comporte pas comme il se doit, elle peut partir, fuir, sans même donner d’explication.

J’apprendrai à ma fille le respect. Le respect de son corps, et de ses envies.

 

Signé: Une mam sans complexe (ou presque!)


 

 

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