Coupable 

Ma vie de maman


La première punition du coupable est la nécessité d’accepter la faute, pour l’expier ou pour la continuer…

 

Hier soir, ce qui devait être un moment de rire et de complicité s’est transformé en pleurs, et en grand sentiment de culpabilité et de remise en question.
Comme tous les soirs, à 19h je me suis installée sur le lit des enfants avec une pile d’histoires à leur raconter avant de les border…
Chouette, en ouvrant un des livres que Noam avait choisis je tombe sur une histoire que je ne leur avais encore jamais racontée.
C’est l’histoire d’un petit dinosaure dont la maman sort aider une voisine et qui se retrouve enfermé chez lui à la suite d’un coup de vent qui claque la porte d’entrée.
Je m’applique généralement à raconter les histoires de manière très théâtrale.
J’interprète chaque personnage avec une voix différente, j’y mêle suspense,  émotions, de grands gestes et les enfants adorent ça, ils ont l’impression de vivre l’histoire eux-même.

J’arrive donc au passage où le petit dinosaure pleure et je commence à faire semblant de pleurer:
– Bouuuuuhhh Je suis enfermé tout seul, je veux ma mamaaaaaaaaannnnn!!
Je fais semblant de renifler, je m’apprête à continuer quand Noam pris de panique éclate en sanglots.
– Mamaaaan j’ai peeeur! Maman arrête l’histoire j’ai peuuuurrrr!!
Je le dévisage interloquée, et il continue en hurlant cette fois:
– S’il te plait mamaaaann arrête, j’ai peeeeeeuuuur!!

Il est littéralement apeuré, se recroqueville sur lui-même et commence à hoqueter tant il pleure.
Mon cœur se fend en le voyant dans un tel état. Je balance le livre par terre, l’attrape et le serre fort contre moi en le balançant doucement.

– Mon amouurr, mais qu’est ce qui se passe? Tu as eu peur de l’histoire? comment ça se fait?
– Je sais pas me répond t-il entre 2 sanglots, j’ai eu peur, il était tout seul coincé derrière la porte sans sa maman …
De longue minutes s’écoulent pendant lesquelles, blotti contre moi il laisse éclater son chagrin…
De longues minutes pendant lesquelles mon cerveau fonctionne à 100 à l’heure.
Mais qu’est-ce qu’il s’est passé? Pourquoi cette crise de panique soudaine? Pourtant j’imite souvent les personnages pleurer dans les contes que je leur raconte… pourquoi cette histoire-là a-t-elle provoqué un torrent de larmes?
Noam se calme et demande à connaitre la suite de l’histoire.
Je comprends qu’il a besoin d’entendre que le petit dinosaure a réussi à ouvrir la porte et à retrouver sa maman; et je finis donc le récit en essayant de prendre un ton détaché.

J’enchaine sur une seconde histoire mais je n’arrive plus à lire, le cœur n’y est plus, je n’arrive pas à me concentrer.

Je crois avoir compris d’où est venue sa réaction si forte.
Et j’ai envie de pleurer.

Et puis me foutre des calques.

Je laisse Eliana dans son lit, prends Noam dans mes bras et l’amène au calme sur mon lit.
La chambre des parents est toujours magique pour un enfant, elle est rassurante et apaisante, et je sais que Noam adore lorsque je le laisse s’endormir sur mon lit.
Je me rappelle moi-même le sentiment de sécurité et de bien être que je ressentais sur le lit de mes parents étant enfant.
Je pense donc que c’est l’endroit idéal pour des confidences avec mon chouchou.
Je l’assoie sur mes genoux et attend avec appréhension le moment oú la petite voix dans ma tête me dira en ricanant  »Coupable! c’est de ta faute mauvaise mère! ».
– Qu’est-ce qu’il s’est passé tout à l’heure mon chéri? Pourquoi tu as eu si peur?
– Parce que j’ai eu peur d’être coincé comme lui à la maison me répond t-il les larmes aux yeux.
– Mais tu n’as jamais été coincé seul à la maison sans maman Noam!
– Non mais quand parfois vous me punissez dans ma chambre et que je continue à hurler, à tout jeter par terre et à essayer de sortir alors vous fermez la porte et moi j’ai peur tout seul… 

Et voila. Vlan! Une immense claque dans ma gueule!

Un volte-face même.

Á ce moment-là je me serai bien faite attachée à une poutre en attendant que le congrès des mères bienveillantes vienne me fouetter d’avoir sans le savoir mit mon enfant dans une telle détresse.

Il avait raison. Jusqu’à il y a quelques mois il m’était arrivé de temps en temps -lorsque je sentais que je pouvais exploser à cause de ses hurlements et de sa violence- de le mettre dans sa chambre seul pour qu’il se calme.
Et si la crise s’intensifiait et qu’il ne restait pas dans sa chambre comme je le lui avait demandé il m’est arrivé 4 ou 5 fois de fermer la porte pour ne plus avoir à le regarder démonter sa chambre et sortir sans cesse me narguer.
Je me souviens même de 3 fois ou j’avais dû fermer la porte à clef 1 ou 2 minutes tant j’avais été dépassée…
La porte à clef…
Mais mon D-ieu comme j’ai honte de l’avouer… Comme ça avait dû être terrorisant pour lui. Bloqué et impuissant.
J’arrive à me pardonner parce que c’était une époque  je travaillais comme une folle et que je n’arrivais plus à gérer ma vie, mes enfants, ma maison. Mais ce n’est pas facile quand même d’y repenser.

Je savais à ce moment-là que la méthode n’était pas la bonne, mais lorsqu’on se retient pour ne pas lever la main sur son enfant il vaut mieux parfois l’isoler le temps de se calmer.
Sauf qu’apparemment lui s’étai senti en grande détresse, seul, dans sa chambre. Et il avait eu très peur.
Je sais bien que dans ces moments de crises j’aurais dû l’écouter, le calmer et le prendre dans mes bras. Mais je n’y arrive pas tout le temps.
Souvent je suis dans un tel état de nerfs que je n’arrive pas à être bienveillante.
Qu’y a t-il de plus dur que d’enlacer un enfant tendrement alors même que notre seul désire à ce moment-là c’est de lui mettre une bonne claque pour le calmer…
Mais faut-il pour autant l’envoyer dans sa chambre seul et fermer la porte?
Et savoir que seul, dans sa chambre, il se sent humilié, incompris, dénigré, rabaissé, mal aimé, et apeuré?
C’est très dur de découvrir que par ma faute, Noam est passé plusieurs fois par ces sentiments.
Je m’en veux terriblement.

Alors à vous mamans qui me lisent, je vous en supplie, ne dites plus jamais au détour d’une conversation:
– Mes parents m’ont frappée étant enfant, et alors? J’en suis pas morte!
– Enfermer un enfant dans sa chambre n’a jamais tué personne!
– Et alors si je parle mal et que j’insulte parfois mon enfant? On le fait toutes, arrêtez d’en faire toute une histoire!
– Parfois, une bonne claque, ça remet les idées en place!
– Faut être dure, sinon c’est eux qui nous marcherons dessus!
– J’ai toujours fait ca, et mon enfant se porte tres bien!

– Avec une bonne leçon, ils comprendront qui est la chef ici! 

Ce sont des phrases affreuses, qui nous permettent -erronément- d’avoir bonne conscience pour nous autoriser de continuer à malmener des petits êtres sans défense, sans avoir à remettre en cause leurs fondements grossiers et d’un autre temps!

Bien sûr que Noam n’aurait pas été traumatisé à vie d’avoir été mis dans sa chambre la porte fermée étant petit.
Mais est-ce ce à quoi nous aspirons en tant que maman?
Tant qu’ils ne sont pas traumatisés, alors continuons ?
Mais qui sommes-nous au juste pour imaginer deviner quelle action aura quel impact sur quel enfant?
Est-ce que parce que nous avons  »survécu » à des mini traumatismes d’enfance cela veut automatiquement dire que notre enfant le vivra de la même manière?
Ne sommes-nous pas tous différents et uniques?
Sommes-nous prêts à prendre ce risque?
Et au nom de quoi? Au nom de l’éducation ?
Á mes yeux il n’est pas question dans ces cas-là d’éducation mais de dressage.
Et je pèse bien mes mots.

Si nous essayions seulement de nous mettre un peu plus souvent à la place de notre enfant et à essayer d’imaginer ce qu’il peut ressentir face à notre impatience et notre colère que l’on a tant de mal à gérer…

Ce soir, au moment de border mon Noam, j’ai mis sa petite main dans la mienne, et en le regardant dans les yeux je lui ai fait la promesse qu’il ne se retrouvera plus jamais seul derrière une porte sans sa maman…

Signé: Une mam sans complexes (ou presque).

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  • 7 novembre 2017

    Quand vous écrivez des chroniques de ce style, s’il vous plait, prévenez avant que je sorte les mouchoirs … quelle maman merveilleuse et quelle chance ont vos enfants 🙂

  • 9 novembre 2017

    Bravo, j’essaye tant bien que mal moi aussi de me remettre en question par rapport à mes enfants. C’est eux qui nous font grandir.
    Et puisqu’on leur dit qu’ils sont notre vie, faisons en sorte Qu’elle soit belle😉

  • 17 décembre 2017

    la thérapeute de mon fils m’a donné comme recommandation dans ces moments là, de moi aller m’enfermer dans la salle de bain pour reprendre mes esprits , car enfermer un enfant c’est illegal m’a-t-elle dit ! (Je l’avais deja fait, et mon fils était en panique