Vole maman, déploie tes ailes et devient la dimension ultime de toi même. 

Lettres à ma maman

Cela fait maintenant 1 mois que tu t’es envolée vers l’autre rive, mais tu continues malgré cela à me transmettre tant d’enseignements, à m’apporter tant de belles choses…
Tu m’as offert de beaux moments maman, de beaux cadeaux. Non pas matériels, mais des présents pour mon âme, qui me nourrissent pour le reste de ma vie.

Tu m’as offert ta première crise d’épilepsie alors que je te conduisais à l’hôpital pour ton traitement des rayons au cerveau.
Oui  »offert », le mot a correctement été choisi.  »Offert », car je l’ai reçu comme un cadeau.
Celui de m’avoir offert ta vulnérabilité, toi qui étais habituellement si forte ; pour me permettre à moi ta fille, d’être là pour toi.
À ce moment-là, entre mes sanglots d’angoisse et de désolation, je me suis sentie comme un récipient robuste et résistant pour te contenir toi, petite chose fragile, qui se fissurait en mon creux.
Alors que j’étais le témoin impuissant de la déconnexion de ton cerveau, au même moment une connexion nouvelle entre nous naissait…
Merci de m’avoir permis d’être un maillon dans l’accompagnement de ta fin de vie. De m’avoir permis de prendre soin de toi, de te cajoler.

Je ressens l’accompagnement de ta fin de vie comme une naissance. 
Comme une naissance, car ce fut un moment de vie magistral, puissant, hors du temps.

Comme tu m’as accompagné à venir au monde en me caressant, me rassurant et en me posant contre ton cœur, je t’ai accompagné à quitter ce monde en te tenant la main, et t’enveloppant de paroles apaisantes et de baisers.
Comme tu m’as aidé lors de mon passage de l’inconnu vers la vie, je t’ai à mon tour aidé  lors de ton passage de la vie vers l’inconnu. 
Nous avons été là l’une pour l’autre lors de nos traversées d’un monde à l’autre…
Toi pour ma naissance, moi pour ta renaissance…
La boucle est bouclée maman…

Et à la question peut il y avoir de la beauté dans la mort, je répondrai oui.
L’intensité de l’amour que j’ai ressenti lorsque tu m’as offert ton tout dernier regard a sublimé ta mort.
Ton dernier regard, long et intense.
Comme le premier regard que tu as posé sur moi lors de ma naissance… À nouveau ce parallèle avec la naissance…
Ton regard pour m’accompagner vers la vie, mon regard pour t’accompagner vers la mort.

Alors que tu étais inconsciente depuis 24h, et que la vie te quittait, tu as tourné la tête vers moi, tu as ouvert grand les yeux et tu m’as offert ton dernier regard pendant 5 longues minutes.
5 minutes, qui resteront gravées en moi pour l’éternité et qui m’accompagnent tous les jours depuis ton départ.
5 minutes pendant lesquelles ton regard a pénétré le mien afin que la vie à travers mes yeux te porte et te rassure dans tes derniers instants.
5 minutes pendant lesquelles, à travers mes sanglots j’ai réussi à te dire combien je t’aime, que tu n’avais pas à pas avoir peur car j’étais là, avec toi et que je taccompagnais. 
J’espère que tu as réussis à voir mon sourire à travers mes larmes, mon amour à travers ma tristesse…
Puis, tu as fermé les yeux, et tu t’es éteinte…

Alors oui, oh combien oui !
Oh combien oui il peut y avoir de la beauté dans la mort.

Lorsqu’il n’y a plus ni crainte, ni peur, ni incertitude, et qu’il ne reste que cette rafale d’amour, de reconnaissance et d’admiration qui traverse chaque pore, chaque cellule de notre corps. Qui entre en nous pour ne faire plus qu’un avec notre être tout entier.

Merci pour ce dernier regard, que j’ai reçu comme un cadeau d’une valeur inestimable de ta part, merci pour cet instant divin d’éternité…  

J‘aurais tant aimé t’accompagner bien plus loin, te tenir la main lorsque la lumière chaude et enveloppante t’a rappelée à elle. Mais je ne peux faire plus que ce monde me permet.
La vie t’avait quitté, mais moi je n’étais pas encore prête à le faire…

Alors je me suis allongée près de toi, pour que ton âme ne se sente pas seule dans l’obscurité de la nuit alors que toute la famille, épuisée par tant d’émotions, avait fini par aller dormir les quelques heures qu’il restait.
Toutes deux étendues là, côtes à côtes sur le sol de ta chambre.
Seules, toi et moi, main dans la main… Un moment sacré et précieux.
Toi sans vie, et moi le cœur apaisé .
J’ai dormi avec toi la nuit précédant ton décès, et j’ai voulu passer celle qui le suivait également à tes côtés.
Lorsqu’au petit matin je me suis réveillée, ton âme nous avait quitté… Mais je n’ai ressenti ni peur, ni angoisse.
Tu étais partie pour quelque chose de mieux, et le savoir m’a réconfortée.

Tu as démystifié la mort maman.
Je ne vois plus la mort comme une fin, mais comme le début d’autre chose. 

Le début d’un amour pur, inconditionnel, qui ne juge pas, mais nous incite à être la meilleure version de nous-même. Le début de la vérité.
Je n’ai plus peur de la mort maman, je me sens au contraire plus forte que jamais.
J’ai ce petit plus en moi, la richesse de cette expérience unique et intense, d’avoir été présente lors de ta traversée vers la croisée des chemins.

Non maman, je n’ai plus peur de la mort.
Je sais qu’un jour, je te reverrai là-haut dans le monde de la vérité et de l’amour, et que tu m’accueilleras à bras ouvert, rayonnante de beauté et de sagesse.
Un jour, dans un lointain futur, nous nous retrouverons, et je te raconterai alors, à quel point ta fin de vie a changé la mienne. 
Ce sera alors un moment de plénitude absolue, d’une fille, qui retrouve sa maman partie trop jeune…

Une partie de moi est entrée avec toi dans cette nouvelle dimension, quelque chose en moi a changé, a évolué…
J’accepte et j’accueille cette épreuve, parce qu’à travers elle, je me sens vibrer et m’éveiller. Et ça lui donne un sens.

 

Le manque de toi est douloureux maman, mais qu’est-ce que cette infime douleur, face à l’océan d’amour qui me submerge ?
Je pleure maman, mais je ne pleure pas de tristesse, je pleure d’émotion, je pleure d’amour.  

L’univers t’a repris à lui, que sa volonté soit faite. Je te remets à la providence divine.
Vole maman, déploie tes ailes et devient la dimension ultime de toi même.

Tu perdures en moi pour toujours. Je t’aime tant.

Ta Sarah.

 

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  • 9 avril 2021

    Ma Sarah, quel merveilleux moment, quel partage ultime de beauté ! Tu as réalisé une oeuvre, celle d’une traversée rendue sublime par ton amour, ton acceptation inconditionnelle de tout ton chemin et de cette dimension mystèrieuse entre les mondes qu’on veut appeler la mort.
    Ton témoignage a la puissance d’un soleil et la douceur d’une plume d’ange.
    Merci pour tant de beauté.
    Avec toute mon affection.
    Z

  • 11 avril 2021

    Sarah, ton texte est bouleversant. Tu es boulversante! Tu présentes le deuil sous une toute autre dimension, et ça nous donne une lueur d’espoir, et de libération !

  • 11 avril 2021

    Très émouvant. Je me rappelle la fin de ma mère, au dernier moment, elle m’a souri, un doux sourire qui illumine encore mes jours. Un au revoir pour me dire : « On se reverra, ne pleure pas, je t’aime. « 

  • 14 avril 2021